La Tenshin Shoden Katori Shinto Ryu, école fondée au milieu du XVème siècle, est l'école de samouraïs par excellence. Ceci, d'une part grâce aux disciplines enseignées, et d'autre part, grâce à l'esprit dans lequel elles sont enseignées. Elle est encore assez méconnue, par rapport à d'autres arts martiaux japonais, car ce ne fut qu'à partir des années 1960 qu'elle se dévoila au monde, année où la Tenshin Shoden Katori Shinto Ryu fut élevée au rang de trésor culturel national japonais.
Cette école était avant gardiste sur bien des points. Premièrement, les femmes y avaient accès aussi bien que les hommes. Une idée défendue actuellement becs et ongles, mais dont l'acceptation ne fait pas encore l’unanimité au XXIème. siècle. Deuxièmement, peut importait la classe dont on était issus, samurai de haute extraction, samurai de basse extraction ou même paysan, tous avaient la possibilité d'accéder à l'enseignement du Katori Shinto. Troisièmement, le Keppan. Ceci, constitue un document signé par le disciple, avec son propre sang, lors de son entrée à l'école. Au travers de cet acte, le disciple s'engageait, notamment à ne pas s'engluer dans les vices de la société de l'époque et à pratiquer la religion shintoïste. Le Keppan interdisait également les duels, fréquents entre écoles, et aussi le fait de "montrer ses techniques".
Aujourd'hui, le temple qui vit la naissance du Katori Shinto existe encore, et se trouve près de Tokyo. Il abrite encore aujourd'hui l'esprit de l'une des plus anciennes écoles traditionnelles d'arts martiaux japonais.
Cet art doit son existence à un valeureux guerrier du nom de IIZASA IENAO. Né en 1387 à Iishino, près de la ville de Kantori, dans la province de CHIBA, en pleine période MUROMACHI, il était au service du clan Chiba. D'après les renseignements qui sont parvenus jusqu'à notre époque, il aurait aussi été durant une brève période de sa vie, maître d'armes du Shogun Ashikaga Yoshimasa.
Après la disgrâce de la famille Chiba, ayant compris que les guerres et les conflits ne pouvaient qu'entraîner la ruine de la noblesse, il se retira, invaincu, au temple de Katori, l'un des trois sanctuaires shintô les plus vénérés au japon (les deux autres étant Kashima et Ise) sous le nom de Chosai Ienao. Le temple de Katori était consacré à Futsunushi no kami, une divinité tutélaire du monde martial, particulièrement importante pour tous les guerriers. Là, il menait de pair sa vie monastique et un entraînement rigoureux accompagné d'un enseignement à ses disciples.
D'après la légende, un disciple eut l'idée saugrenue de laver le cheval de Chosai avec l'eau de la fontaine sacrée, réservée à la purification des fidèles. Que croyez-vous qu'il arriva ? le cheval en mourut. Comprenant la puissance de la divinité Shintô du temple, le maître Chosai Ienao se retira sur le mont Umeki, non loin du temple durant 1000 jours, pour prier, jeûner et s'entraîner. C'est à la fin de cette ascèse que le maître, "inspiré par le dieu", définit la doctrine de son école. C'est pourquoi il fit précéder le nom de l'école par "TENSHIN SHODEN" ce qui peut être traduit par "tradition céleste véridique et fidèle". Sur un plan plus terre à terre, Iizasa compila en un seul bloc les techniques qui lui avaient permis de rester invaincu lors des duels et guerres auxquels il a participé. Cette façon de procéder, a permis d'avoir une grande cohérence au niveau des techniques pratiquées, qu'elle que soit l'arme utilisée, et même que ce soit une discipline martiale ou non. En effet, la stratégie militaire fait également partie du Katori Shinto.
De nombreuses autres légendes courent sur la vie de ce maître exceptionnel qui mourut, selon les informations détenues au temple, à l'âge de 102 ans en 1488. Pour l'époque, il s'agit véritablement d'une longévité exceptionnelle, quasi surnaturelle ! Lorsqu'on venait le défier, ce qui n'était pas rare, dans un temple très fréquenté par des guerriers et pèlerins, il invitait d'abord le guerrier à prendre le thé avec lui. Le samurai ne pouvait refuser une telle invitation, car cela serait pris comme une grave insulter par son hôte. Les disciples de Iizasa étendaient alors une natte tressée sur des bambous encore verts, donc souples. O-Sensei Chosai, s'y asseyait sans que les bambous ne plient sous son poids. Généralement le "challenger" comprenait que cet homme avait atteint une compréhension très élevée de son propre corps. A la suite de cette démonstration de maîtrise de soi, le samurai soit renonçait au défi lancé, soit devenait disciple de Iizasa.
De nombreux pratiquants de haut niveau après avoir été formés au Katori, poursuivaient leur chemin à travers le japon et finissaient par fonder des écoles qui devinrent célèbres. Ainsi l'école voisine, Kashima shin Ryu, a été fondé par Matsumoto Bizen (1468-1524), dont la famille occupait la prêtrise du temple shintô de kashima. Or, Matsumoto Bizen a d'abord été un élève de CHOSAI. L'un des élèves de Bizen est beaucoup plus célèbre que lui, puisqu'il s'agit de Tsukahara Bokuden (1489-1571). Ce dernier fut d'abord un élève du Katori avant de devenir un disciple du Kashima. Pour finir, il fonda sa propre école, sous le nom de Shintô Ryu. Il fut maître d'armes de 3 shogun de la famille Ashikaga.
Dans son livre le GO RIN NO SHO, Myamoto MUSASHI parle de l'art des moines du Shinto ryu. D'ailleurs le tout premier duel livré par Musashi à 12 ans, et qu'il gagna, l'opposait à un pratiquant de shintô ryu, l'école de Bokuden. Par la suite la tradition du Katori s'est poursuivie au fil des siècles. Un des points communs entre O-Sensei Musachi et O-Sensei Iizasa, était que, vers la fin de leur apprentissage personnel, il gagnaient leurs duels sans même porter un seul coup.
Vingt soke (héritiers) se sont succédés au sein de la Tenshin Shoden Katori Shinto Ryu, mais il y eut beaucoup de maîtres, de shihan qui sans faire partie de la famille Iizasa, détenaient l'entière connaissance du contenu de l'école. Chacun a apporté sa touche à l'édifice. Mais, comme pour tous les arts martiaux, certains contribuent à sa déformation, en voulant trop se démarquer de son prédécesseur ou en pensant plus aux gains qu'à l'enseignement.
Quand au shintô ou voie des dieux, elle indique le chemin, que chaque génération emprunte, guidée par la précédente. Ainsi s'est transmis jusqu'à nos jours cet art merveilleux qui, à partir d'une technique meurtrière, apporte en fait paix et sérénité à ceux qui poursuivent la voie.